Piccolo Mondo

Un an d’art contemporain au Luxembourg vu de l’intérieur 

En une année, entre l’été 2014 et l’été 2015, le monde a changé. Des centaines de milliers de réfugiés sont arrivés en Europe au péril de leur vie, en provenance de Syrie, d’Irak ou d’Erythrée; les attentats contre Charlie Hebdo ont fait onze morts et l’affaire #Luxleaks a égratigné la place financière luxembourgeoise. Autant d’événements qui ont influencé le travail de l’artiste Filip Markiewicz, qui représente le Luxembourg à la 56e biennale internationale d’art de Venise en 2015.

Piccolo Mondo raconte la genèse de ce pavillon, les doutes et les joies de l’artiste, permettant un regard derrière les coulisses de l’art en train de naître. En parallèle, le livre va à la rencontre d’autres artistes luxembourgeois : Bert Theis à Milan, Simone Decker à Francfort, Su-Mei Tse à Rome, Antoine Prum à Luxembourg, Gast Bouschet & Nadine Hilbert à Bruxelles et Martine Feipel & Jean Bechameil à Esch- sur-Alzette. Ils racontent leur travail à ce moment-là de l’histoire.

Au-delà de ces portraits, Piccolo Mondo, composé de trois livres en un, analyse le microcosme de l’art contemporain au Luxembourg, interroge ses logiques et présente ses acteurs avec six essais thématiques. Comme dans un film choral à la Short Cuts, on y croise toujours les mêmes acteurs, mais dans des situations différentes.

Préface

 

Dire : moi, je. Quelle prétention ! En école de journalisme, une des premières choses qu’on apprend sont ces quelques règles de déontologie : ne jamais écrire à la première personne du singulier (jamais !), toujours garder une distance objective par rapport à ses sujets, toujours rendre une version équilibrée des deux côtés d’une histoire, toujours appliquer une double vérification des sources. Cela fait vingt ans que j’exerce cette profession et, persuadée que nous ne sommes que des témoins du monde tel qu’il va, ces préceptes me sont entrés dans le sang.

Ce livre est donc en premier lieu un affront au métier de journaliste. Parce que dès les premières lignes, il affirme sa subjectivité. Moi, je. Hunter S. Thompson a forgé le terme de gonzo journalism aux États-Unis dans les années 1970, Tom Wolfe et Truman Capote celui de new journalism. En immersion dans un milieu social ou professionnel, ces auteurs rendaient compte à la première personne du singulier de ce qu’ils y virent et vécurent.

Piccolo Mondo est le résultat de mon immersion dans le monde de l’art contemporain au Luxembourg. Un milieu que je fréquente assidûment, avec des périodes plus passionnées et d’autres un peu plus distantes. Critique d’art, rédactrice responsable du cahier culturel de l’hebdomadaire d’Lëtzebuerger Land, mais aussi occasionnellement organisatrice d’événements ou d’expositions, je n’échappe pas à ce microcosme, même si je le voulais. Je connais ses génies et ses fous, ses visionnaires et ses réactionnaires, ses divas et ses timides, ses stakhanovistes et ses dépressifs, ses contenus et ses vides, ses mécanismes de légitimation et ceux de rejet, ses réussites et ses échecs.

L’idée de ce récit vient d’un autre livre : Seven days in the art world de Sarah Thornton, paru en 2008 chez Granta, Londres. Thornton, journaliste et sociologue canadienne qui vivait alors en Angleterre, y raconte la vie de l’art contem- porain occidental vue de l’intérieur, organisée en sept jours, sept chapitres, de l’école des beaux-arts à la biennale en passant par le musée ou le magazine spécialisé. Le livre se lit comme un policier, tellement il est bien écrit. On y apprend que le monde de l’art est un univers comme un autre, et que même globalisé, il est régi par une poignée d’acteurs importants. Et si ce microcosme était encore réduit à un pays de 550 000 habitants ? me suis-je alors demandé.

En 2015, l’art contemporain est en crise. Mondialement, il traverse une crise de sens inversement proportionnelle au boom des chiffres de vente aux enchères des tableaux de maîtres. Au Luxembourg, cette impression de rupture est encore amplifiée par l’austérité budgétaire du gouvernement, mais aussi par un changement de génération : aux pionniers des années 1990, qui ont placé le pays sur la carte mondiale de l’art contemporain et qui sont las de devoir sans cesse défendre cet art que beaucoup de gens refusent, suit une nouvelle génération d’artistes et de décideurs. L’anti- intellectualisme et le fonctionnariat aidant, il y a comme un sentiment de fatigue qui plane, occultant trop souvent la qualité de l’art produit par nombre de créatifs.

Piccolo Mondo raconte ce microcosme. Le livre veut montrer ce que font les artistes et les conservateurs, les galeristes et les collectionneurs, faire un état des lieux du milieu, témoigner de ce moment précis de l’histoire de l’art au Luxembourg, vulgariser et inciter au débat. Il le fait du micro- au macro, se consacrant d’abord à l’univers d’un seul artiste, puis en présentant six autres, avant d’essayer d’analyser le contexte plus général.

En fait, on pourrait dire qu’il s’agit de trois livres en un : La première partie accompagne Filip Markiewicz, l’artiste choisi par un jury pour représenter le Luxembourg à la biennale de Venise de 2015, durant une année dans la réalisation de son Paradiso Lussemburgo, du résultat de l’appel à projets, en juillet 2014, jusqu’au vernissage, en mai 2015. Il y partage ses idées et ses doutes en cours de route, les difficultés et les rencontres. Nous nous connaissons depuis des années, mais c’était une gageure que de me laisser ainsi l’approcher dans ces moments intimes, fragiles – Merci Filip !

La deuxième partie dresse le portrait de six autres artistes ou tandems d’artistes luxembourgeois, Bert Theis, Simone Decker, Su-Mei Tse, Antoine Prum, Gast Bouschet & Nadine Hilbert et Martine Feipel & Jean Bechameil. Choisis de manière subjective et appartenant à des générations différentes (ils ont entre 40 et 60 ans), ils ont en commun d’avoir « fait Venise » avant Filip Markiewicz et d’avoir constitué un œuvre depuis. Il a fallu sillonner l’Europe pour les rencontrer, d’Esch-sur-Alzette en passant par Bruxelles, Francfort ou Hambourg jusqu’à Venise et Rome. L’idée était de montrer la richesse de l’art réalisé par des artistes nés ou vivant au Luxembourg – sans qu’on puisse vraiment parler « d’art luxembourgeois », cette éternelle illusion des politiques, qui aimeraient tellement en faire un argument de nation branding.

La troisième partie, elle, est consacrée à six analyses plus critiques et personnelles sur la scène autochtone d’aujourd’hui, sur ses points forts – un incroyable foisonnement d’initiatives et d’acteurs, dont certains, les plus emblématiques, sont présentés en portraits dans le texte – mais aussi sur ses lacunes, notamment le provincialisme et ses symptômes.

Dans son ensemble, Piccolo Mondo donne une image forcément fragmentaire du monde de l’art au Luxembourg en 2015, mais une image constituée du plus grand nombre de fragments possible. Visites d’expositions ou d’ateliers, lectures éclectiques de livres, de magazines, d’articles ou de catalogues, notes de voyages, une soixantaine d’entretiens sérieux et d’innombrables discussions arrosées sur le zinc, films Youtube, pages Instagram, blogs, ragots, discussions sur Facebook ou profils Wikipedia – tout a servi de source pour essayer, sinon de comprendre, au moins de raconter ce qui se trame dans ce microcosme, aujourd’hui, ici.

NB : Piccolo Mondo est aussi le nom de la discothèque vénitienne cheap dans laquelle s’est tenue la fête de vernissage de Filip Markiewicz, le 7 mai 2015.

 

Index

 

Première partie

L’annonce
Remise du dossier de candidature
Vernissage de l’exposition de groupe Fail
Entretien avec Filip Markiewicz
Rencontre avec Paul Ardenne
Visite chez Filip Markiewicz
Début du tournage du film pour Venise
Vernissage de l’exposition de groupe Angste Povera
Entretien électronique avec Filip Markiewicz
Vernissage de l’exposition Le retour du plombier polonais
Rendez-vous avec Valerio d’Alimonte et Anna Loporcaro
Rendez-vous avec Enrico Lunghi
Tournage d’une scène de fête pour le film
Publication du livre Stay behind
Mardi des artistes

Entretien téléphonique avec Filip Markiewicz
Rendez-vous avez Michel Welfringer
Rendez-vous avec Jerome Jacobs
Raftside
Présentation à la presse de Paradiso Lussemburgo
Visite de la foire Art Brussels
Entretien téléphonique avec Filip Markiewicz
La veille du vernissage
Vernissage de Paradiso Lussemburgo
Revue de presse sommaire
Discopolitik – We’re fucked, let’s dance !
Hello Dictator !
Entretien électronique de bilan avec Filip Markiewicz

Deuxième partie

Six portraits

Bert Theis: Wittgenstein et Marx prennent un thé au parc

Simone Decker: La conquête de l’espace

Su-Mei Tse: Le son et le temps

Antoine Prum: L’art après la fin de l’art

Gast Bouschet & Nadine Hilbert: Dans les limbes

Martine Feipel & Jean Bechameil: Les coulisses de notre imaginaire

Troisième partie

Essais

L’abdication des prescripteurs

Et les artistes dans tout ça?

Toujours les mêmes.
Ou l’histoire de la masse critique qui est un peu faible

Tout est dans le réseau.
Ou: l’esthétique relationnelle appliquée au Luxembourg

Collectionneurs et mécènes, espèce rare. Trois rencontres

Marché – musée: courants alternatifs

 

«josée hansen donne à son ouvrage la portée d’une enquête ethnographique sur ce monde [de l’art contemporain]»

— Jean-Marc Leveratto


Réception

 

«Raconte-moi l’art au Luxembourg» - Entretien avec Céline Coubray dans PaperJam

Invitée au «10 bis 1» de Christiane Kremer chez RTL Radio Lëtzebuerg

«Tout contre!» - critique du livre par Jean-Marc Leveratto dans d’Lëtzebuerger Land

«Mëttelméissegkeet am Mikrocosmos» - Interview à la Radio 100,7

«L’art contemporain au Luxembourg: Les illusions perdues» - critique du livre par Marie-Laure Rolland dans le Luxemburger Wort

«Le constat» - critique du livre par Luc Caregari dans le Woxx


josée hansen : Piccolo Mondo – Un an d’art contemporain vu de l’intérieur ; photos : Trash Picture Company ; mise en page : Laurent Daubach / Designbureau ; éditions d’Lëtzebuerger Land et Artcontemporain.lu asbl ; avec le soutien du Fonds culturel national et de la Fondation Indépendance ; Imprimerie Hengen - Print & More, Luxembourg, novembre 2015 ; 352 pages ;  ISBN 978-99959-949-0-7. En vente en librairie, sur Lëtzshop ou directement sur le site du Lëtzebuerger Land.

Previous
Previous

Piccolo Teatro

Next
Next

Collaborations